L’Harmonie Cosmique et la Transcendance Divine dans l’Ayat al-Kursi

Ibn Arabi, dans son exposé métaphysique, interprète le Verset du Trône (Ayat al-Kursi) comme une révélation des aspects fondamentaux de la réalité divine et cosmique. Selon lui, ce verset illustre la relation entre l’Absolu (Allah), les différents niveaux de la manifestation, et la place de l’homme dans cet ordre universel.

1. “Allah ! Il n’y a de divinité que Lui” : L’Unicité absolue

Pour Ibn Arabi, cette phrase exprime la transcendance radicale d’Allah, l’Être unique qui englobe toutes les réalités sans en être limité. “Il n’y a de divinité que Lui” établit que toute manifestation, tout phénomène apparent, n’est qu’un reflet ou une modalité de l’Être absolu, qui est à la fois immanent (présent dans tout) et transcendant (au-delà de tout).

• Interprétation ésotérique : Tout dans la création est un aspect ou une manifestation du Tajalli (épiphanie divine). Cependant, aucune modalité ne peut véritablement contenir l’essence divine. Ainsi, l’Unité (Tawhid) transcende toute multiplicité.

2. “Le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même” (Al-Hayy, Al-Qayyum)

Ces deux noms divins indiquent, pour Ibn Arabi, les deux attributs fondamentaux qui soutiennent la création :

• Al-Hayy (Le Vivant) : Allah est la source de toute vie et de toute existence.

• Al-Qayyum (Celui qui subsiste par Lui-même) : Rien n’existe par lui-même, tout dépend de Lui à chaque instant.

• Interprétation d’Ibn Arabi : Al-Hayy renvoie à l’essence divine, source de toutes les formes d’existence. Al-Qayyum montre que l’ordre cosmique est maintenu par une présence continue d’Allah. Sans cette attention divine, toute manifestation cesserait d’exister.

3. “Ni somnolence ni sommeil ne Le saisissent” : L’immutabilité divine

Ibn Arabi explique que ce passage exclut toute forme d’imperfection ou de dépendance dans la nature divine. Allah est au-delà du temps et du changement, ne nécessitant aucun “repos”, car Son acte de création est instantané et permanent.

• Point essentiel : Cela illustre l’idée que la création n’est pas un “acte passé”, mais un processus permanent de renouvellement de l’être (tajdid al-khalq). Allah soutient chaque chose à chaque instant sans effort, car tout émerge directement de Sa Volonté.

4. “À Lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre”

Pour Ibn Arabi, cette phrase établit la relation de souveraineté et de dépendance entre le Principe suprême et le monde manifesté. Tout ce qui existe, à tous les niveaux, appartient à Allah en tant que manifestations de Ses attributs.

• Vision cosmique : Les “cieux” symbolisent les réalités spirituelles et les plans subtils de l’existence, tandis que la “terre” représente le monde matériel et dense. Ces deux réalités, bien que distinctes, reflètent un même Principe divin.

5. “Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa permission ?”

Ibn Arabi voit dans cette phrase une affirmation de la hiérarchie cosmique, où même les plus grands êtres (prophètes, anges) ne peuvent agir que selon la permission divine. Toute intercession est, en réalité, un acte divin manifesté à travers ces médiateurs.

• Point ésotérique : Cela renforce l’idée que les intermédiaires spirituels (prophètes, saints) ne sont pas des agents indépendants, mais des expressions de la Volonté divine.

6. “Il sait ce qui est devant eux et ce qui est derrière eux”

Ce passage exprime la connaissance absolue d’Allah, qui dépasse toutes les limitations du temps et de l’espace. Ibn Arabi interprète cela comme une indication que la science divine est intemporelle, englobant tous les états possibles de l’être.

• Perspective d’Ibn Arabi : Le “devant” et le “derrière” ne sont pas seulement des notions temporelles, mais aussi des niveaux de manifestation. Allah connaît chaque chose dans son origine, son état actuel et son aboutissement ultime.

7. “Et de Sa science, ils n’embrassent que ce qu’Il veut”

Ibn Arabi souligne ici l’idée que la connaissance humaine est limitée par la Volonté divine. Toute compréhension, même spirituelle, est conditionnée par ce qu’Allah permet.

• Enseignement spirituel : Cela invite à l’humilité métaphysique. Même les plus hauts degrés de réalisation spirituelle ne peuvent prétendre saisir l’essence absolue d’Allah. Le Ma’rifa (connaissance spirituelle) est un don, non une conquête.

8. “Son Trône (Kursi) s’étend sur les cieux et la terre”

Le Kursi, pour Ibn Arabi, représente l’ordre cosmique dans son ensemble. C’est une épiphanie divine, une réalité où toutes les manifestations trouvent leur place et leur harmonie. Le Kursi est un symbole de la souveraineté d’Allah sur la création entière.

• Lien avec le Arsh : Ibn Arabi distingue le Kursi du Arsh (Trône suprême). Le Kursi est une modalité plus proche des manifestations créées, tandis que le Arsh représente la transcendance pure, au-delà de la création.

9. “Et leur garde ne Lui coûte aucune peine”

Ce passage souligne l’effort nul qu’exige la création pour Allah. Selon Ibn Arabi, cela reflète l’idée que l’acte créateur divin est instantané et perpétuel, sans être soumis à un “avant” ou un “après”.

• Point clé : Allah soutient l’existence par Sa simple présence. Cette idée s’inscrit dans la notion d’“acte pur”, où le Principe agit sans effort ni transformation.

10. “Et Il est le Très-Haut, le Très-Grand”

Ces attributs (Al-Aliyy, Al-Azim) rappellent la transcendance absolue d’Allah. Pour Ibn Arabi, cela signifie que toute la création est un abaissement ou une limitation volontaire de la gloire divine, afin que l’homme puisse contempler le Principe à travers le voile des formes.

• Enseignement spirituel : La grandeur divine invite l’homme à dépasser les illusions du monde manifesté pour s’élever vers une vision unitaire de la Réalité

Publications similaires

Laisser un commentaire